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Comment appréhender la notion de droit commercial au Cambodge

PAR Asia Connection - 05/07/2015

 


Photo droit au bail 3

     L’immobilier commercial au Cambodge est compliqué à appréhender. Les futurs acheteurs de droit au bail ou de fonds de commerce encours de prospection s’aperçoivent très vite qu’ils ne peuvent pas aborder le marché cambodgien comme on l’aborde en occident ou dans les autres pays asiatiques. Nous allons donc reprendre les fondamentaux et les adapter au marché local. Dans ces « DOSSIERS DE L’IMMOBILIER » nous aborderons dans un premier temps les aspects du droit au bail commercial.

Définition du bail commercial

     Un bail commercial est un contrat qui unit un bailleur (propriétaire) d’un local commercial, industriel ou artisanal à un preneur (locataire) qui l’occupe dans le cadre d’une activité. Dans le cadre d’une activité purement commerciale, le preneur se trouve donc titulaire d’un droit de propriété commerciale. Le loyer est négocié librement entre les deux parties. Attention, la plupart des codes de commerce qui régissent le bail commercial ne protège pas l’exploitant mais l’exploitation, c'est-à-dire qu’il protège l’activité au travers du local d’où l’importance du bail commercial. Concernant le Cambodge, il faut savoir que le principe de droit au bail commercial n'existe pas dans le code de commerce ! La durée du bail commercial est donc fixée librement entre le bailleur et le preneur.

L’aspect général du droit au bail

     Dans les pays qui ont légitimés et légiférés l’existence d’un droit au bail, on peut retrouver une définition commune : Indemnité demandée par le locataire sortant d’un local uniquement commercial à un repreneur, lors d’une cession de bail commercial. Le propriétaire du local peut éventuellement demander une indemnité, on l’appellera dans ce cas là « droit d’entrée ».

     Attention, il ne faut pas confondre droit au bail et fonds de commerce. Ce dernier est lié à l’activité. Le fonds de commerce comprend des éléments incorporels (droit au bail, clientèle…) et des éléments corporels (aménagement, mobilier, machine, fournitures…). Nous aborderons dans un prochain article les fonds de commerce au Cambodge et la détermination de sa valeur.

     Le droit au bail est donc lié au local : nombre de mètre carré, mètre linéaire, flux piétons, flux automobiles… L’achat d’un droit au bail se fait donc dans une activité qui est distincte de sa propre activité. Si l’activité est la même, on achètera donc un fond de commerce avec un chiffre d’affaires, une clientèle… Nous verrons par la suite les exceptions à la règle : le fonds de commerce sans droit au bail et le fonds de commerce égal au droit au bail.

Comment fixe t’on le montant d’un droit au bail ?

     Quatre éléments sont essentiels au calcul du droit au bail commercial :

  • la durée restante du bail,
  • la surface pondérée du local,
  • le montant du loyer actuel inscrit au bail,
  • le montant de la valeur locative des lieux.

     Le droit au bail, c’est la différence entre le montant du loyer actuel et le montant de la valeur locative de la rue actuel (valeur du marché). Il existe plusieurs méthodes pour évaluer un droit au bail. L’ensemble de la profession des experts immobiliers calculent généralement le droit au bail sur la base du loyer annuel par rapport au mètre carré pondéré, multiplié par le nombre d’année restante, c'est-à-dire par la méthode différentielle. Prenons un exemple :

  •      Local commercial : 100m², dont 20m² en mezzanine (trame de 4 mètres linéaire façade par 20 mètres de long),
  •      Bail de 7ans signé il y a 3 ans.
  •      Loyer : 700$/mois, soit 8.400$/an.

Calcul de la surface pondérée :

Zone 1 en façade sur 10m de profondeur : coefficient 1,0

soit, 4m linéaire façade X 10m de profondeur = 40m² X coef 1,0 = 40m²

Zone 2 sur les 10m suivants : coefficient 0,5

soit, 4m linéaire façade X 10m de profondeur suivant = 40m² X coef 0,5 = 20m²

Zone 3 : Mezzanine : coefficient 0,4

soit 20m² X coef à 0,4 = 8m²

Surface pondéré du local : 40m² + 20m² + 8m² = 68m²

 

 

Photo droit au bail 2

    On peut ne pas utiliser la méthode de pondération, mais comme on l’aura compris toutes les surfaces commerciales ne sont pas égales. Seules les surfaces les plus exploitables sont valorisées par exemple une mezzanine finie régulièrement en réserve ou en bureau. Cette méthode à l’avantage de valoriser les mètres linéaires façades puisque si nous avions pris dans notre exemple une façade de 8 mètres et donc une profondeur de 10 mètres la surface pondérée du RDC serait passé de 60 à 80m². En effet, la visibilité commerciale pour le client étant plus importante sur 8m que sur 4m, il est par conséquent légitime de sur-évaluer le local commercial. Pour les locaux d’angle, on a pour habitude en expertise d’adopter le coefficient 1,2.

     Notre local faisant 68m² pondérée, nous avons donc une valeur de 123,50$/m² (8.400$/an divisé par 68m²).

     Imaginons que la valeur locative actuelle de la rue soit de 170$/m²

     Nous avons donc un différentiel de 170$/m² - 123,50$/m² = 46,50$/m².

     Il ne reste plus qu’à multiplier la différence par le nombre de m² et le nombre d’année restante du bail, soit : 46,50$/m² X 68 m² X 4 ans = 12.640$.

     On l’aura compris, s’il y a eu une mauvaise négociation au départ et que la valeur du loyer actuelle est égale à la valeur actuelle du marché, votre bail ne vaut rien. On voit très souvent des vendeurs affichés un montant de droit au bail très élevé déconnecté du marché. En discutant, avec ces derniers, on comprendra rapidement que le montant annoncé correspond au montant des travaux. C’est une grave erreur que d’évaluer son droit au bail en fonction du montant investit. Le montant des travaux n’a pas de lien avec la notion de droit au bail. Dans la réalité, on pourra tenir compte de ces travaux en étant peut-être plus souple dans la négociation, si l’électricité, la climatisation… peuvent être récupérés, mais en aucun cas on doit valoriser ces éléments de reprise dans le droit au bail.   

Les spécificités du droit au bail commercial au Cambodge

     On aura également compris que la durée du bail est un élément déterminant. Car plus la durée restante du bail est importante, plus le droit au bail à une valeur. Et c’est tout le problème au Cambodge, pour plusieurs raisons.

     Premièrement, si en occident les baux varis entre 9 et 12 ans, ce qui confèrent une pérennité certaine de l’activité quant à sa rentabilité. Au Cambodge, nous nous dirigeons de plus en plus vers des baux commerciaux de courte durée : 3, 5, 7. Les raisons en sont très simples. Il n’y a pas d’indice légal qui permet au bailleur d’augmenter chaque année le loyer. Les propriétaires ayant bien compris que la valeur locative augmentait fortement chaque année au Cambodge, il y avait aucun intérêt à signer le même loyer pendant 10 ans. Depuis quelques années, certains baux font apparaître quelques paliers dans l’augmentation des loyers. Mais la frilosité des cambodgiens sur leur propre économie les pousse à signer des baux de courte durée.

     Deuxièmement, les baux signés sur des durées de 10, 15, 20 ans… ont une probabilité d’être cassé plus rapidement. Chacun d’entre nous vivant depuis longtemps dans le pays, connaissons des cas de chefs d’entreprise remerciés manu militari, après voir fini de construire un hôtel ou un bâtiment sur un terrain loué. Dans un pays, où les projets d’urbanisme, de construction de building, bureaux, quartiers réaffectés vont grand train, il n’est pas bon de résister face à de gros promoteurs immobiliers aux risques d’avoir quelques soucis au vu des millions de dollars d’investissement. A noter, que la notion d’indemnité d’éviction, en cas de fin de bail avant échéance, est très peu pratiquée au Cambodge. Le locataire connaissant le pays, reste généralement  assez content d’être prévenu un mois à l’avance.

     Autrement dit, pour un bail de longue durée, il est déconseillé à l’acheteur de valoriser la totalité des années restantes comme nous le faisons en Europe. Prenons un exemple, sur une durée de bail restante de 12 ans, il est raisonnable d’appliquer une décote en fonction du risque lié au quartier. Quartier à risque entre 5 et 7 ans, quartier à risque limité 8 à 10 ans.

     Très souvent le locataire est en bon terme avec son bailleur. S’il reste peut de temps au bail, il est fortement conseillé de signer un nouveau bail avec le futur loyer. Dans ce cas là, on pourra en tenir compte dans le calcul. Dans les cas, où le droit au bail est relativement faible, il reste dans ce cas là une chance au vendeur, s’il peut convaincre son propriétaire de signer un nouveau bail.

     Cette méthode différentielle de calcul ne prend pas en compte la valeur des zones commerciales d’une ville à l’inverse de la méthode par capitalisation. On peut donc minorer ou majoré le montant trouvé en fonction de sa zone. Une rue classée 3 ou 4 est forcement moins bien côté qu’une rue Numéro 1, 1 bis ou 2. Nous verrons cela dans un prochain article. On considère que le droit au bail dans une rue déclassée ne faut rien.

     D’autres éléments peuvent majorer le montant du droit au bail :

- la destination du bail, en effet si le bail à une destination très large, il aura une plus grande valeur, rare sont les baux commerciaux tous commerces,

- l’autorisation de sous louer écrite dans le bail,

- locaux commodes d’utilisation ou facilement aménageable.

     Il n’y a pas aujourd’hui d’expert immobilier locaux au Cambodge. Quelques rares agents immobiliers maîtrisant les estimations de droit au bail ont donc créé leur référenciel en fonction de leur propre vente. N’étant pas dans la tradition d’un agent immobilier de communiquer les valeurs locatives réelles, il faudra malheureusement créer ses propres références en terme de valeur locative en prospectant. Dans un prochain article, nous aborderons les valeurs locatives à Phnom Penh.

Photo droit au bail

 

 

 

Autres conseils à retenir :

  1. Quelques bailleurs demandent un droit d’entrée dans le cadre d’un bâtiment neuf. C’est un non-sens économique pour deux raisons. Premièrement, le droit d’entrée repose sur une commercialité existante, hors dans le cas d’un bâti neuf, la commercialité n’existe pas, le flux piéton ou voiture ne peut être considéré à lui tout seul comme gage d’une bonne commercialité de la rue. Deuxièmement, le bailleur peut demander un droit d’entrée si le local est relativement bien aménagé ou équipé. Hors le plus souvent, le bailleur met à votre disposition un local brut béton (sans second œuvre).
  2. Comme nous avons dit plus haut, ne pas tenir compte des travaux du locataire sortant dans le mode de calcul, hormis dans la négociation si vous savez que vous allez pouvoir reprendre de gros postes comme l’électricité, la climatisation, les vitrines de façade, le rideau métallique…
  3. Partez du principe où vous n’obtiendrez pas d’indemnité d’éviction en cas de départ forcé.
  4. Montez un vrai compte de résultat. Du fait des coûts de la vie et d’une taxation à première vu beaucoup moins élevés qu’en occident, beaucoup de chef d’entreprise ne prennent pas soin de faire ce travail essentiel. La réalité des coûts cambodgiens aura vite raison de leur optimisme !
  5. Incluez dans votre étude, l’amortissement des travaux. Aux risques de perdre votre investissement de départ. Il est convenable d’amortir ces travaux sur 2 ou 3 ans pour un bail de 5 ans et amortir ces derniers sur 5 ans maximum pour les baux plus longs.
  6. Ne tenez jamais compte dans une négociation d’une future commercialité. Beaucoup de projet sont prévus au Cambodge, peu sortent de terre ou avec un retard important qui se compte en année. Si le vendeur ou le propriétaire vous explique qu’il va y avoir une école, un centre commercial ou 1000 piétons/heure dans un an, n’en tenez pas compte dans la détermination du loyer ou du droit au bail et encore moins dans votre approche de chiffre d’affaires. Dans le meilleur des cas, si le projet se réalise ce sera un plus. Pour information, en France, dans le cadre d’un litige pour renouvèlement de loyer, un juge de tribunal rejettera automatiquement ce type d’argumentation puisque c’est tout simplement illégal.
  7. Concernant la caution, la plupart des bailleurs demande des cautions de 6 ou 12 mois. C’est à proscrire. La légitimité d’une caution repose sur deux types de risques, premièrement, sur le montant de l’impayé et deuxièmement sur le délai pour récupérer son loyer. Le loyer étant la plupart du temps payé mensuellement, le risque du bailleur est donc de 1 mois ! Le délai pour récupérer son loyer est relativement cours au Cambodge. Pour ce type de litige, nul besoin de passer par le tribunal. Il est dans les us et coutumes de passer par les services de la police pour régler ce type de litige. En cas de non paiement vous aurez à peine une journée pour boucler vos bagages. N’hésitez pas à expliquer ces arguments au propriétaire, bien souvent ils font cela par mimétisme sans forcement en comprendre le sens. Reste donc comme seuls arguments, le délai pour relouer et la dégradation du local. Concernant les dégradations, il faut expliquer au bailleur que vous allez améliorer l’aménagement et donc qu’il y a peu de chance que vous rendiez un local impropre à sa destination ou moins bien. Concernant le délai pour retrouver un locataire, vous pouvez en effet accorder 1 mois supplémentaire. C'est-à-dire au maximum 2 mois de caution. Allez au delà au Cambodge est une grave erreur. Les cmbodgiens rendent très rarement les cautions.
  8. Le droit commercial et immobilier de chaque pays étant spécifiques et complexes, les conseils et services d’un avocat sont fortement conseillés. Au-delà de la maîtrise des différents codes qui régissent la règlementation du pays, ils maitrisent également les us et coutumes ainsi que les jurisprudences. 

 

Convention de pondération généralement utilisée auprès des experts immobiliers européens :

Zone 1 en façade sur 10m de profondeur : coefficient 1,0 (zone d’angle coefficient 1,2)

Zone 2 sur les 10m suivants : coefficient 0,5

Zone 3 sur les 10m suivants : coefficient 0,35

Zone 4 pour le surplus : coefficient 0,25

Le premier étage est retenu au coefficient 0,4 porté à 0,5 dans la bande des 5 mètres à partir de la façade

Le deuxième étage au coefficient 0,3

Le troisième étage au coefficient 0,15

Le sous-sol au coefficient 0,25

 

ALLIER Jean-Marc

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