Expatriés et Gilets Jaunes

Banniere expatrie gilets jaunes

24/11/2018

Pour les expatriés du Cambodge et d’Asie en général, le mouvement des gilets jaunes suscite beaucoup de commentaires sur les réseaux sociaux et dans la vie de tous les jours. Il déclenche depuis quelques semaines de la moquerie, de l’incompréhension ou de la curiosité. Il faut dire que dans la onzième circonscription (majoritairement l’Asie), les expatriés français ont voté au second tour des dernières élections parlementaires pour le parti de La République en Marche (71,72%). Si dans la communauté beaucoup de citoyens ont voté pour Emmanuel Macron, beaucoup sont aujourd’hui déçus par les résultats et l’attitude de ce Président. Pour autant peu sont enclins à supporter d’une manière ou d’une autre le mouvement des gilets jaunes.

 

LES RAISONS DU MOUVEMENT

Résumer ce mouvement, par le simple énervement des français sur une taxe carbone faisant office de transition énergétique et décidé par le gouvernement le 1er janvier 2018 est une erreur majeure. Pour information, entre octobre 2017 et octobre 2018, le diesel a augmenté de 23% et l’essence de 15%. Cette augmentation du 1er janvier n’a en réalité été que de 5% pour le diesel et 3% pour l’essence. Les ressentiments ne se focalisent donc pas uniquement sur cette taxe mais sur plusieurs éléments sous-jacents du dossier :

  • augmentation générale des carburants,
  • justification hasardeuse par la seule protection de l’environnement. On sait aujourd’hui que la majeure partie des recettes ne servira pas à l’objectif escompté,
  • transition énergétique brutale,
  • diabolisation soudaine du diesel,
  • solution proposée plutôt bancale ; on sait également depuis plusieurs années que le bilan écologique de la voiture électrique est nul compte tenu de la fabrication et du recyclage des batteries électriques.

Si le dossier de l’énergie, de l’environnement est complexe, ce mouvement s’est surtout révélé le catalyseur d’un réel mal-être général des Français :

  • ras-le-bol fiscal : augmentation de la Cotisation Sociale Généralisé, des contraventions de stationnement, de la carte grise, du tabac, des annonces fumeuses sur la taxe d’habitation, impunité fiscale des plus des grandes compagnies, cadeaux fiscaux aux plus riches sans contrepartie,
  • perte du pouvoir d’achat : augmentation du gaz, du fioul domestique, de l’électricité, des contrôles techniques, du forfait hospitalier, des frais bancaires, des assurances et mutuelles, baisse des Aides Personnalisées au Logement…,
  • système capitaliste ultra-libéral dénué de toute humanité,
  • manque de compréhension de la part des élites des enjeux économiques et environnementaux,
  • gouvernance décomplexée et aristocratique d’Emmanuel Macron.

Cette prise de conscience générale des citoyens français, cette rupture avec les élites et cette convergence des luttes créées donc un mouvement populaire singulier.

 

UN MOUVEMENT ATYPIQUE ET HORS DU COMMUN

Depuis plusieurs décennies, les Français ont été habitués à des manifestations très encadrées et organisées majoritairement par des parties politiques ou des syndicats. Force est de constater que ces rassemblements manquaient un peu d’organisation. Beaucoup de personnes sont allées aux péages autoroutiers, aux intersections et aux ronds-points sans savoir ce qui les attendait, sans savoir quel serait leur compagnon de fortune ni même sans savoir comment les blocages se dérouleraient. Ce phénomène qui est passé inaperçu aux yeux des dirigeants marque en fait un réel changement. Les français habitués aux conforts des manifestations bien structurées sont sortis de leur zone de confort, une première pour un pays occidental comme le nôtre.

Contrairement à ce que l’on pense, ce n’est pas la France de la misère ou de l’exclusion que l’on retrouve dehors mais des gens d’origines variées, des retraités, des travailleurs indépendants et des salariés du secteur privé qui vivent une insécurité permanente. Des tranches de la population souvent sous représentées.

Ce manque d’organisation a généré le 17 novembre une spontanéité que le Ministre de l’Intérieure, M. Christophe Castaner a d’ailleurs qualifié de « bon enfant ». Bonhomie qui a d’ailleurs désarçonné les forces de l’ordre habituées a chargé des groupes vindicatifs et organisés ayant souvent l’envie d’en découdre.

Cette première journée du 17 novembre 2018 est historique, les Français redécouvrent à nouveau le sens de la cohésion, le vrai sens du combat social bien loin des revendications habituelles pour des acquis sociaux. Elle met en évidence une vraie fracture avec le gouvernement qui avait pourtant été élu sur la base d’une révolte contre les élites et les dirigeants des deux principaux partis, se partageant sans concession le pouvoir depuis des décennies.

Le citoyen se découvre un nouveau champ de possibilité sans partis politiques et sans syndicats dont il ne croie plus. De ce chaos est en train de naître une nouvelle structure sociale, une nouvelle compréhension du pouvoir de la rue et de la force de ces propres actions collectives. Il est a noter que le mouvement n’a pas été pollué par des casseurs, des jeunes des cités ou des groupuscules d’extrême gauche.

 

L’ATTITUDE DU GOUVERNEMENT

Dès le départ, le gouvernement a essayé maladroitement de diaboliser le mouvement en incriminant de mystérieux groupes d’extrême droite, sans jamais les nommer. Malheureusement pour le gouvernement, ce mouvement est impulsé par le bas, les sans-dents. Il est né d’une défiance contre l’ensemble des partis ou d’une idéologie politique. On peut d’ailleurs le voir dans les propos poussifs de Marine le Pen, Nicolas Dupont-Aignan ou de Jean-Luc Mélenchon qui essaient tant bien que mal de raccrocher les wagons, sans y arriver. Ces partis restent donc solidaires mais n’arrivent pas à récupérer le mouvement.

Dès le premier jour de la manifestation, le Ministre de l’Intérieur a commencé par communiquer un chiffre complètement irréaliste de 124.000 personnes dispersées sur plus de 2.000 points de ralliement. Internet a très vite réagi en démontrant que cela ne représentait que 62 personnes par point de rassemblement, un vrai décalage avec la réalité qui a suscité quelques moqueries sur la toile. Le lendemain le ministère a du quelque peu relever les chiffres à 287.710 personnes répartis sur 2034 points, soit 141,5 personnes par point. Même si ce chiffre est encore en deçà de la réalité, les 1 million annoncés de la part des manifestants semble en revanche un peu surestimés.

Pour l’heure, le gouvernement n’ayant pas fait preuve d’une excellente gestion de la crise et s’entêtant dans une politique du tout taxe, continue de diaboliser le mouvement en dénonçant une pseudo « radicalisation », un changement dans la physionomie des manifestants avec des « profils complotistes » et des comportements « poujadistes », rien que cela. Affirmant que les 15.000 personnes rassemblées encore ce mercredi (chiffre le plus bas depuis le début) étaient plus virulent que samedi dernier. Les mots fusent, ce qui est certain c’est que les manifestants se sentent méprisés par la France d’en haut.

Depuis les premières manifestations de samedi, le bilan est de deux morts, 585 blessés et 599 personnes placées en garde à vue.

 

LA POURSUITE D’UN MOUVEMENT

Contre toute attente, les Français vont se mobiliser massivement pour une deuxième fois consécutive, ce samedi 24 novembre dans un « acte  II » du mouvement. Plusieurs mots de mobilisation ont été lancés pour cette journée. Deux grandes lignes ressortent, premièrement gêner le moins possible les citoyens ne faisant pas parti du mouvement, deuxièmement se rassembler en plus grand nombre possible à Paris sur le Champs de Mars, le lieu ayant été validé par le Ministère de l’Intérieur.

A noter que les forces de l’ordre auront une deuxième manifestation à gérer (un peu éclipsée par la première), celle pour promouvoir la fin des violences, en particulier les violences sexuelles faites aux femmes. Ce rassemblement démarrera en revanche de la place de l’Opéra.

Les expatriés un peu loin des gilets jaunes devront suivre la manifestation sur les grands médias et les réseaux sociaux. Si le mouvement s’essoufflait aujourd’hui, les Français auront quand même redécouvert les grands principes de la lutte et la puissance d’une cohésion populaire.

 

Jean-Marc ALLIER

 

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